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Démarche artistique

 

 

                Depuis maintenant plusieurs années, je travaille sur le territoire qui va de la réalité du portrait à l’espace dans des pratiques multiples (photos, peintures, gravures, sculptures et livres d’artiste, vidéo).

A la fois je tourne et retourne à la frontière du médium qui devient contact et lieu à la fois.

J’aborde d’emblée cette question de l’Histoire et par conséquent de la mémoire comme le développe Paul Ricoeur dans son essai « La mémoire, l’histoire, l’oubli ».

Il mène une réflexion sur cette mémoire qui au départ personnelle devient collective : devoir de mémoire, laisser une trace comme l’histoire de l’art l’a réalisé et la notion de commémoration, de souvenir.

D’où se produit le rapport matrice et multiple : il s’inscrit dans la mémoire non seulement physiquement dans le travail de gravure mais également dans la métaphysique, de l’infra mince que détermine Marcel Duchamp à travers son recueil « Duchamp du signe » où il fonde la postmodernité :

«  Quand la fumée de tabac sent aussi de la bouche qui l’exhale, les deux odeurs s’épousent par INFRA-MINCE »

La Gravure, instrument du témoignage, par son contenu iconographique, devient l’indice. Son idée est l’incarnation de son propre regard au monde, son rapport aux autres. L’empreinte de la matrice est instable où tout détail transgresse le fil. Le sens iconographique a plusieurs registres d’interprétation. Le visible et l’invisible s’interpénètrent.

Comme le pan de mur « De la vue de Delf », Vermeer déclenche chez le personnage de Proust : sa mort. Le pan de mur jaune devient couche en ébranlant le temps présent, un temps d’arrêt quasi photographique de l’époque de Vermeer.

Il est rare que le tableau regarde mourir son spectateur…

Derrida, quant à lui, renforce cette idée de limite, de témoignage dans « De l’hospitalité ». Il est vrai que ses influences viennent de chez Walter Benjamin, Hegel, et Georges Bataille…

Son travail repose sur la déconstruction et la métaphysique.Il développe des idées telles que radicaliser l’impossible, le don et donc d’hospitalité dans le sens migratoire, de pardon comme chez Paul Ricoeur. Le langage et le respect de l’autre s’inscrit dans cet essai.

« Éthique de l’impossible, dans sa structure aporétique, est ainsi l’arrivée de l’autre et l’obligation de l’hospitalité. L’impossible est le lieu de cet accueil, car il est la possibilité même de l’événement, de ce qui arrive. C’est pourquoi l’impossible est le nom de cette éthique de l’hospitalité, l’éthique devenant l’expérience des limites, de ce qui reste in appropriable ou « impossible » dans l’événement de l’altérité. C’est en ce sens que l’aporie devient la possibilité même d’une voie, d’un chemin, d’un passage, comme le non passage est la condition de la marche : « l’impossibilité de trouver sa voie est la condition de l’éthique ».

La mémoire est la capacité de souvenir et de représenter le passé. Elle entretient la notion d’histoire. Elle est transférée sur ma matrice. Eprouver la distance, l lieu dans un renversement des coordonnées spatiales.

« C’est un véritable paysage, avec dépressions, lits de rivières, montagnes, plateaux, un relief semblable à la croûte terrestre. Le paysage qui nous entoure, nous le possédons à l’intérieur de cette boîte de projection. C’est le paysage à l’intérieur duquel nous pensons, le paysage qui nous enveloppe. Un paysage à parcourir, à tâter, à connaître avec le toucher, à dessiner point r point, comme l’aveugle tâtonne de sa canne et déchiffre l’espace qui l’entoure », L’image du toucher

L’empreinte renverse.

L’espace peu à peu transgresse le territoire, la surface détermine entre les limites artificielles et celles qui sont physiques.

On le traverse comme signalé de chaque limite comme les Stèles qui donnent la porte d’un territoire à un autre : un déplacement.

Cf. stèles de Segalen où il transpose dans un projet littéraire l’expression du territoire chinois par des mots : le milieu qui coupe le territoire, face aux points cardinaux, orientés, au bord du chemin et retrouvé.

Tout se passe comme une incarnation de l’identité propre et par conséquent de son histoire, des choix.

Incarner signifie prendre chair, invente des lieux, des apories (des espaces impossibles ou impensables). Souffle comme le mur d’Hiroshima. De l’écart.

Ce qui est, le même. Une forme de métaphysique semble constituer une unité…

Pour moi la gravure est sur un support indirect. C’est la contrainte majeure.

Comment suggérer l’idée expression première et immédiate tout en négociant ce caractère médiat ?

La contrainte vient de la limite du format et ce qui tend à une expression particulière. Ce n’est pas dans son caractère du multiple qui m’intéresse mais dans la visée du Tirage, car le risque d’erreur est possible. On est à nouveau entre la notion de mémoire puisque la matrice est multipliée…

 

Sur le plan technique, le renversement du motif, par l’encrage de la matrice (le support gravé en bois, en lino ou en métal) dévoile une relation directe : peindre autrement. Son absence autant que sa présence deviennent une évidence. Le papier, sous l’effet de la presse, révèle des volumes (l’infra mince) et provoque quelque chose de l’ordre de la sculpture comme le véhicule Baselitz alors que Barnett Newman c’est dans l’espace pictural. Il est vrai que ça pourrait être un grand écart. Mais malgré tout, l’image s’organise et apparaît dans l’espace bidimensionnel que tridimensionnel. Le point de départ. Une forme d’indice, la matrice.

L’espace de gravure se déplace au-delà de sa limite d’impression.

Ce renversement indique la démonstration de la relation recto verso où la feuille présentée s’empare de son verso comme une relation directe. Elle génère une conscience un choix qui tend vers le livre, livre d’artiste.

 

Ce qui amène au pouvoir de l’image, car pour diffuser quelque soit l’Idée la gravure était l’image. Au XIX siècle, la photographie est expérimentée mais dans un regard pictural. C’est au même moment que je m’initie à la photographie noir et blanc avec toute la chimie.

En conclusion, l’espace gravure traverse la notion de mémoire puisque telle qu’elle était en précédant la photographie. J’entretiens une relation picturale du point de vue formel. C’est-à-dire je transgresse la peinture dans la gravure. Elle devient une peinture incarnée et déplacée où le graphisme prend sa picturalité dans son aspect globale et de l’ordre de l’indice, de la trace. Des similitudes peuvent se déterminer dans la sculpture en devenant une forme de micro sculpture et de multiple. Le moule comme la matrice est de l’ordre du multiple et en ayant l’absence de l’original dans ce sens se réfère à la vidéo et l’infra mince…

 

                                                             Marika POLASEK

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